INTRODUCTION

Depuis que la Chimie est une science positive basée sur l'observation et l'expérience, les combinaisons cyaniques ont été l'objet de travaux nombreux et importants. La découverte du cyanogène par Gay-Lussac fait époque dans l'histoire de la science. Cette découverte fournit, en effet, le premier exemple d'un corps composé se comportant dans toutes ses réactions comme un corps simple, et on a été conduit à le considérer comme un radical qui a servi de type à une classe nombreuse de composés organiques.

Macquer est un des premiers chimistes qui se soit occupé des combinaisons cyaniques. On lui doit des recherches importantes sur la nature du bleu de Prusse et des prussiates. Scheele a attaché son nom à la découverte de l’acide prussique ou cyanhydrique ; il faut citer encore Berthollet et Proust, dont les travaux remarquables sur l'acide prussique et les prussiates ont précédé la grande découverte de Gay-Lussac.

Depuis lors, Sérullas a étudie d'une manière précise les combinaisons du cyanogène avec le chlore; MM. Wœhler et Liebig, les deux savants chimistes Associés étrangers de l'Académie des Sciences, ont fait ensemble ou séparément des travaux devenus classiques sur les acides cyanique, cyanurique, et sur leurs nombreux produits de décomposition; enfin, on doit à M. Wurtz la connaissance des éthers de ces mêmes acides, éthers qui ont été le point de départ du magnifique travail de ce chimiste sur les ammoniaques composées.

Cet aperçu historique sur les composés cyaniques ne comprend que les faits les plus saillants : je n'ai ni la prétention ni le vouloir de rappeler tous les travaux dont ces corps ont été l'objet; j'insisterai seulement sur quelques-uns des points qui se lient plus intimement au sujet que je me propose de traiter.

Le groupement des éléments dans les composés cyaniques présente rarement un équilibre bien stable : on les voit, en effet, souvent se modifier spontanément sans cause extérieure apparente. C'est ainsi que l'acide cyanhydrique abandonné à lui-même se décompose complètement, et dans un laps de temps quelquefois très-court; de même, le chlorure de cyanogène liquéfié et conservé dans un tube fermé à la lampe peut se solidifier en éprouvant une véritable condensation, et sans changer de composition ; les acides cyanique et cyanurique présentent des faits du même genre produits soit spontanément, soit par l'action de la chaleur ou des réactifs plus ou moins énergiques.

Cette mobilité des éléments dans les composés cyaniques rend leur étude très-attrayante, mais en même temps difficile. Si cette étude four-nit un vaste champ aux recherches, il arrive souvent qu'elle ne con-duit pas à des résultats précis pouvant être exprimés simplement.

Pour mettre de l'ordre dans mon travail, je le diviserai en trois parties. Dans la première, j'indiquerai le mode de préparation du chlorure de cyanogène employé dans mes expériences; j'exposerai les propriétés de ce corps et ses conditions de stabilité, et je serai amené ainsi à discuter l'existence du chlorure de cyanogène liquide, découvert par M. Wurtz, comme espèce distincte du composé étudié par Sérullas. Dans la seconde Partie, je m'attacherai à faire connaître lai production et les propriétés de produits isomériques des éthers cyaniques. Enfin, dans la dernière Partie, je présenterai quelques observations sur la constitution probable des corps en question.

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